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Le vert a inondé les rues du monde entier,le 17 mars pour célébrer la Saint-Patrick. L’histoire de cette fête cache une surprenante couleur originelle !

Saint Patrick vert ou bleu ? Drapeaux, rivières, monuments, chutes du Niagara, parades, musique : ce jour-là, le vert règne ! Tout se pare d’émeraude, durant le Patrick’s Day, les pintes, les trèfles, les chapeaux… Depuis le N° 1 de The Irish Eyes, je vous répète : la couleur de Saint Patrick, c’est le bleu !
Surprenant ? Accrochez-vous, nous remontons le temps.
Le bleu des celtes
Imaginez l’Irlande au Ve siècle, une terre de légendes et de conflits. Les Romains la percevaient à travers les récits de leurs campagnes gauloises. Loin des provinces conquises, cette île, qu’ils nommaient Hibernia, était une mosaïque de royaumes celtes, où les roitelets, tantôt alliés ou rivaux, se disputaient le pouvoir dans des guerres incessantes.
Les légions romaines n’ont jamais foulé le sol d’Hibernia, les échanges commerciaux et culturels étaient une réalité, comme en témoigne la carte de Claude Ptolémée. Les druides, gardiens des traditions ancestrales, officiaient lors de rituels où le sacré se mêlait au profane, dans un monde où les esprits de la nature étaient omniprésents.
Les guerriers celtes, héritiers des anciens Gaëls, arboraient fièrement leurs tatouages bleus, symboles de force et de courage, obtenus grâce à la teinture de guède. Pour les Romains, c’est une couleur à ignorer car elle est appréciée des barbares Celtes et Germains qui s’enduisaient le corps d’une décoction de la plante de guède, fleurissant jaune, dit aussi pastel des teinturiers pour effrayer leurs ennemis.
Le Bleu de Saint Patrick
Dans une Irlande morcelée, où les traditions celtiques sont très ancrées, Saint Patrick, missionnaire audacieux, arriva, probablement en provenance de Bretagne. Capturé et réduit en esclavage dans sa jeunesse, il revint sur cette terre, déterminé à convertir les rois et les peuples à la foi chrétienne. Mêlant respect des coutumes locales et annonce de l’Évangile, il marqua le début d’une transformation spirituelle profonde. Il sut, plus qu’ailleurs, garder les cultures celtes en y mêlant la nouvelle religion. Liant son nom à cette teinte céleste, il fit du bleu un symbole de la nouvelle foi. Le bleu symbolisant alors la pureté de l’âme et la royauté divine. Cette couleur, déjà associée au prestige et à la royauté en Irlande, fut ainsi adoptée.
Le bleu celtique : Saint Patrick, préserve l’héritage celte !

Ainsi, Saint Patrick, loin de bouleverser les traditions ancestrales, a su les intégrer harmonieusement à sa mission évangélisatrice. Le bleu, couleur de prestige et de spiritualité en Irlande, a été adopté comme symbole de la nouvelle foi, témoignant du respect de Saint Patrick pour la culture locale. Mais alors, comment cette couleur, si intimement liée à l’identité irlandaise, a-t-elle pu être supplantée par le vert ?
Le vert devenu légendaire en Irlande
Le bleu Saint-Patrick dominait encore l’iconographie irlandaise à l’époque médiévale, mais au fil des siècles, une autre couleur va s’imposer : le vert.
Les racines du vert : légende et littérature

Pourquoi et comment ? Le vert est intimement lié à l’Irlande. D’abord, il y a la fameuse légende du trèfle. On raconte que Saint Patrick aurait utilisé un shamrock. En fait, ce petit trèfle irlandais n’est autre qu’un trifolium Dubium plante pour expliquer le concept de la Sainte Trinité aux Celtes, en montrant comment trois feuilles distinctes peuvent former une seule et même plante. Peu à peu, le trèfle devient un des symboles les plus forts de l’Irlande… et comme il est vert, il renforce encore davantage l’association de cette couleur avec l’identité irlandaise. Depuis le XVIIIe siècle, les écrivains vont décrire le paysage de l’île en empruntant au vers de William Drennan, poète et homme politique irlandais, son surnom d’Émeraude.
When Erin first rose from the dark swelling flood,— God bless’d the green island and saw it was good;—The em’rald of Europe, it sparkled and shone,— in the ring of the world the most precious stone.
Le vert, symbole politique et identitaire
Le vert a aussi pris une dimension politique et identitaire. Dès le XVIIe siècle, des groupes nationalistes et indépendantistes commencent à l’adopter comme symbole de résistance à l’occupation britannique. En 1641, pendant la rébellion irlandaise contre l’Angleterre, des soldats irlandais portent déjà des uniformes verts. Plus tard, au XVIIIe siècle, les « United Irishmen », mouvement révolutionnaire inspiré des idées des Lumières et luttant pour l’indépendance de l’Irlande, choisissent officiellement le vert comme couleur de leur insurrection contre la Couronne britannique.
Les Irlandais sur tous les continents

Le XIXe siècle fut une période charnière pour l’Irlande, marquée par la Grande Famine (1845-1849). Cet événement tragique poussa des millions d’Irlandais à quitter leur terre natale, formant une diaspora qui allait s’étendre sur tous les continents. Ces communautés d’exilés ont emporté avec elles leurs traditions, leur musique et leur attachement à la Saint-Patrick. Célébrée avec ferveur, cette fête devint un symbole de l’identité irlandaise à travers le monde. La première parade de la Saint-Patrick fut organisée à New York en 1762, témoignant de l’importance de cette tradition dès les premières vagues d’immigration. À Chicago, la rivière se teinte de vert chaque année, offrant un spectacle emblématique. Et chaque année, l’Irlande « reverdit » le monde, grâce à l’initiative « Global Greening » de Tourism Ireland, multipliant les partenariats amusants, illuminant en vert des monuments emblématiques tels que la Tour Eiffel, l’Empire State Building, l’Opéra de Sydney, les chutes du Niagara et démontrant ainsi l’influence mondiale de sa culture. Et partout, le vert s’imposa comme la couleur emblématique de ces célébrations.
L’Irlande : du bleu au vert, une histoire de couleurs

Résultat ? Aujourd’hui, impossible d’imaginer la Saint-Patrick sans une mer de vert, mais l’histoire nous rappelle qu’avant cela, l’Irlande de Saint Patrick était bien plus bleue que verte ! Si le vert règne en maître en Irlande, le bleu reste présent sur le drapeau du Président, harpe d’or sur fond bleu Saint-Patrick.
L’art des Seanchaithe (Storytellers irlandais)
Fidèle à la tradition gaélique des Seanchaithe, ces conteurs gardiens de la mémoire collective irlandaise. Reconnaissons que les Irlandais savent écrire de belles histoires ! Finalement, Saint Patrick ne s’appelait pas Patrick, il n’était pas irlandais, et sa couleur n’était pas le vert…
Alors, que ce soit bleu ou vert, la Saint Patrick, c’est vert, blanc, orange, c’est irlandais, joyeux, musical et universel !
‘Beannachtaí na Féile Pádraig oraibh’.

Après le Festival de la Saint Patrick,
au Centre Culturel irlandais de Paris 5, rue des Irlandais – 75005 Paris. Tel : 01 58 52 10 83 / 33. Du lundi au vendredi : 14h – 18 Nocturne le mercredi jusqu’à 20h Fermé week-end et jours fériés
Breaking Trad. 20 mars 2025 19h30 Le trio Breaking Trad joue une musique éblouissante et pleine d’entrain, un ensemble de jigs et reels endiablées
Exposition Richard Hennessy
Les Nocturnes de l’Histoire Bibliothèque patrimoniale Á l’occasion de la conférence « Les Irlandais en France au 18e siècle » dans le cadre des Nocturnes de l’Histoire, la Maison Hennessy a généreusement prêtée une sélection de pièces originales – lettres, livres, carnet de notes… – qui sera exceptionnellement exposée au sein de notre Bibliothèque patrimoniale toute la journée du 26 mars.
Pour découvrir l’Histoire, la Culture, l’Art de vivre à l’Irlandaise, découvrez sur le site du Centre Culturel irlandais : les Expositions virtuelles. Nous avons adoré : Jouez ! Jouez ! France-Irlande : 120 ans de rugby.
Il y a aussi de l’art, de la littérature… Joyce in the City, Brendan Behan … de l’Histoire : 1798, l’Année des Français.
et beaucoup plus
POUR ALLER PLUS LOIN : Sources
- Tourism Ireland, Global Greening
- Guerriers Celtes – Encyclopédie de l’Histoire du Monde
- Échosciences-grenoble.fr/Comment la couleur bleue a-t-elle envahi nos placards ?
- Pastoureau Michel, Bleu, histoire d’une couleur. Paris : Les éditions du Seuil, 2006. 216p. ISBN : 978-2-02-086991-1
- Coffret histoire d’une couleur en 6 volumes : bleu, noir, vert, rouge, blanc et jaune de Michel Pastoureau – Points Histoire Octobre 2024
- Ambassade d’Irlande au Japon : Tokyo
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