Arles autrement (II):

Coup de Mistral

Arles, âme mistralienne. Le futur s’écrit aussi en provençal : le 24 mai 2024 restera une date charnière dans l’histoire contemporaine d’Arles. En signant officiellement la charte « Ciéuta mistralenco » (Cité mistralienne) avec le Félibrige, la ville n’a pas seulement rendu un hommage nostalgique à son passé. Elle a scellé un pacte de modernité sous l’impulsion du maire Patrick de Carolis et du Capoulié Paulin Reynard. Arles affirme ainsi que sa langue et ses traditions sont les piliers de son développement futur. Benvengu d’Arle !

Fréderic Mistral - Château de Font-Segugne - Escalier du Museon Arlatan -
Frédéric Mistral par Felix Auguste Clément (Musée de Marseille) — Château de Font-Segugne — Escalier du Museon Arlaten

Le Félibrige : racines d’une renaissance

Le Félibrige n’est pas né d’une décision administrative, mais d’une révolte poétique portée par une jeunesse audacieuse. Le 21 mai 1854, sept jeunes auteurs se réunissent pour sauver la langue d’oc. Si le provençal s’inscrit dans la vaste famille de la langue d’oc, il cultive à Arles sa propre singularité. Ici, on ne parle pas une langue standardisée ; on parle la langue de Mistral, un provençal fier de ses racines rhodaniennes et de son rayonnement Nobel.

Les Sept de Font-Ségugne

Pour comprendre l’Arles de 2025, il faut nommer ces « Primadié », les sept pionniers réunis autour de Mistral. Leur réunion fondatrice s’est tenue le 21 mai 1854 au château de Font-Ségugne, à Châteauneuf-de-Gadagne.

  • Frédéric Mistral : le leader charismatique, futur prix Nobel.
  • Joseph Roumanille : le « père » spirituel du groupe.
  • Théodore Aubanel : le grand poète lyrique de la passion.
  • Anselme Mathieu : le poète de la légèreté et des fêtes.
  • Jean Brunet : le philosophe du groupe.
  • Alphonse Tavan : le représentant du monde paysan.
  • Paul Giéra : l’hôte d’esprit qui accueillait les réunions dans sa demeure.

« C’est sous les tonnelles de Font-Ségugne qu’ils firent le serment de « relever » la langue provençale, pour lui rendre sa gloire et sa pureté. »

Aujourd’hui, le Château de Font-Ségugne, près Châteauneuf-de-Gadagne est devenu un domaine viticole privé. S’il demeure le sanctuaire de l’esprit mistralien, il est aujourd’hui une escale incontournable pour les sens. Le domaine est géré par deux frères : Philippe et Jean-Marc. Ils invitent  à une halte-dégustation au cœur des Côtes du Rhône et Côtes du Rhône Villages Gadagne : un terroir généreux et une robe pleine d’esprit qui auraient sans nul doute inspiré nos sept poètes ! L’âme des fondateurs y demeure intacte : les réunions du Félibrige s’y tiennent toujours, perpétuant ainsi une tradition vieille de plus de 170 ans.

Le Museon Arlaten : le trésor de Mistral

Fondé par Frédéric Mistral dès 1896, le Museon est le conservatoire vivant du peuple arlésien. C’est ici que le poète a investi l’intégralité de sa dotation du Prix Nobel de littérature [*] reçue en 1904. Cette distinction mondiale venait couronner le génie de son chef-d’œuvre, « Mirèio » (Mireille).

Le renouveau d’un chef-d’œuvre : Récemment rénové après onze ans de travaux titanesques, ce lieu marie l’architecture antique et la muséographie moderne. Ce renouveau a été sublimé par l’Arlésien Christian Lacroix. Le couturier a apporté sa griffe à la scénographie, signant un mobilier et une signalétique qui dialoguent avec les collections historiques. C’est un pont étincelant entre le XIXe siècle de Mistral et l’élégance contemporaine.

« Gardez votre musée, c’est là que bat le cœur de la Provence. »

Le socle et l’ouverture

En devenant « Cité mistralienne », Arles choisit une identité exigeante. Cette volonté de réunir la jeunesse autour d’un héritage partagé rappelle les modèles que nous aimons tant à l’Irishclub. On pense aux écoles « Educate Together » ou aux cursus bilingues en Irlande, où la langue devient un trait d’union moderne qui rassemble par-delà les origines. Comme à Dublin ou à Galway, la langue est ce « socle » qui permet de s’ouvrir au monde sans perdre son âme.

Aviez-vous lu : Arles Autrement (I) : 1er article de la rubrique Voyage Grand Angle.

Entre Noël et l’An Neuf : la lumière de Provence

Alors que les santons habitent encore les crèches et que les treize desserts prolongent la gourmandise des fêtes, la langue de Mistral résonne avec une douceur particulière. C’est ce temps suspendu de la fin d’année, entre mémoire et espérance, que nous partageons aujourd’hui.
Chaque année il est possible d’admirer les santons traditionnels, dans les villages provençaux, ou à la Foire aux santons de Marseille. Cette année, elle se tient depuis le 15 novembre 2025 jusqu’au 4 janvier 2026.  

Bon Nouvè e bouno fin d’annado à tòuti


[*] Prix Nobel Frédéric Mistral : « en reconnaissance de l’originalité et de l’inspiration véritables de son œuvre poétique, qui reflète fidèlement les paysages naturels et l’esprit autochtone de son peuple, et, de surcroît, de son travail significatif en tant que philologue provençal » [↑ Remonter]